Par Shania Wolf - 01/09/2014 14:27 - France - Montpellier

Aujourd'hui, un de mes colocataires m'a demandé à quoi correspondait la dernière clef du trousseau de l'appartement. C'est celle du local à poubelles. Ça fait six mois qu'il a emménagé. VDM
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Tu l'as bien mérité 7 909

Shania Wolf nous en dit plus

Bonjour à tous, je suis l'auteure de la VDM, c'est le moment des remerciements tout ça tout ça, je suis super émue, merci à mon metteur en scène... Et les voilà, les précisions, qui arrivent à la rescousse ! Je m'excuse par avance, je ne sais guère être concise ! Décor : Alors, pour éclaircir un peu les faits, ce n'était pas vraiment un appartement mais une forme de logement un peu spéciale. A l'époque des faits (il y a environ 6 mois de cela), j'étais en Erasmus en Norvège, et là-bas les résidences étudiantes habituelles sont assez différentes d'ici. En fait, ce sont de petites maisons d'un ou deux étages, composées d'en général quatre à huit chambres autour de pièces communes. En revanche, pas de continuité entre les bâtiments, ce qui impose de sortir dans la neige pour aller faire sa lessive ou... jeter les poubelles. Et j'admets qu'en pleine nuit polaire, c'est pas marrant, j'ai préféré faire ma lessive à la main pendant deux mois perso. Dans mon lotissement, les bâtiments comportaient six chambres, deux salles de bain et une cuisine. Une cuisine pour six donc, et à chacun sa semaine de sortir les poubelles. En outre, le tri sélectif c'est du sérieux là-bas, donc à part les devoirs dont on n'est pas fier, tout va dans sa poubelle attitrée dans la cuisine. Je ne pense pas que qui que ce soit ait gardé des déchets organiques dans sa chambre, ce qui est déjà une bénédiction. Prélude : Les faits, en vérité, comportent une certaine ironie. D'abord parce que ledit colocataire avait emménagé dans cette maison environ trois mois avant moi. Ensuite parce que moi-même, un mois après mon arrivée, me suis rendue compte que non seulement j'avais raté mon tour de sortir les poubelles (toute imprégnée que j'étais du planning de mon ancienne résidence), mais qu'en plus je n'avais pas la moindre idée de l'emplacement du local à poubelles. Il faut dire que c'était un truc un peu spécial, une sorte de tube près de la route traversant le lotissement, dans lequel on a l'impression de pouvoir verser des ordures à l'infini, et que personne ne vient jamais vider. Bref, une technologie exotique. Un mois après mon arrivée, donc, je n'avais pas encore répertorié la chose, mais je ne voulais surtout pas demander à mes colocataires, car alors ils s'apercevraient forcément que j'avais raté mon tour la semaine précédente ! J'ai donc attendu deux semaines, le début des vacances de Noël, que tout le monde, moi exceptée, rentre dans son pays, et c'est là que j'ai entrepris mon enquête. A ce stade, j'ignorais tout autant à quoi servait ladite clef, persuadée que le local à poubelles était un bâtiment en dur s'ouvrant grâce à la même carte magnétique que la laverie. J'ai donc passé une demi-heure à errer en pleine tempête de neige avant d'avoir la révélation. Ouf ! Mon honneur était sauf, ma dette payée, l'affaire ne parviendrait jamais aux oreilles de personne ! Les faits : Un mois passe alors, et le fameux colocataire revient pour le second semestre. Tout semble bien se passer, et le remplacement d'une colocataire créé même une distraction suffisante pour étouffer une crise au sujet de la vaisselle et bouleverser le planning : mon précédent manquement à mes obligations est ainsi définitivement noyé. Encore quelques semaines s'écoulent dans la plus parfaite nonchalance, même l'affaire de la vaisselle sale finit par se tasser, quand soudain, au détour d'une conversation parfaitement anodine, il lève le regard sur moi et, le trousseau à la main, me pose LA question. Me reviennent alors toute ma confusion, mon désarrois, ma terreur à l'idée que soit découverte ma terrible indignité... Mais lui, ça n'a pas l'air de le perturber le moins du monde d'apprendre ainsi la nouvelle après six mois à vivre là. Pas même l'ombre d'un rougissement sur ses joues laissées blanches par la nuit polaire. Juste un vague acquiescement qui laissait entrevoir l'intérêt parfaitement nul qu'il accordait à cette annonce jugée non pertinente. Conclusion : Au final, cela n'a guère fait que confirmer une impression que j'avais déjà depuis un moment : le planning n'était en fait qu'une vaste mascarade, qui avait commencé à s'affaiblir à peu près à l'époque de mon arrivée, et était pratiquement tombé en désuétude suite aux vacances de Noël. Si pendant six mois personne ne s'était aperçu que certains manquaient à leurs obligations, pourquoi craindre une quelconque réprobation ? Bien vite les sacs poubelles se mirent à s'entasser dans le couloir où on laissait les chaussures, et à former un joli petit muret décoratif qui balisait les escaliers. C'est ce qui m'avait été laissé sur les bras à Noël, ainsi que toute la vaisselle sale (n'en étant en rien responsable - c'étaient en vérité le même colocataire et celui qui était définitivement parti à Noël - je n'en avais lavé que la moitié avant de laisser le reste anonymement dans le lavabo, ce qui avait engendré la fameuse crise de la vaisselle), et le tout s'est reconstitué à une vitesse effrayante. Bon, dans l'ensemble, ce n'était pas trop horrible. Vu la température dans le couloir, les ordures devaient bien se conserver, je suppose, et de temps en temps l'un de nous trouvait le courage d'embarquer quatre ou cinq sacs (ils étaient minuscules, ndlr) avant d'aller courir après le bus. C'était pas joli à voir, mais au moins y'avait ni vermine ni odeurs. La vaisselle, en revanche, continua d'être source de conflits, dont je faisais en sorte de me tenir bien éloignée en cachant dans ma chambre les verres que j'avais la flemme de laver sur le coup - jusqu'à ce que, les réserves de toute la maisonnée s'épuisant, je décide de tous les restituer, le regrettant aussitôt en comprenant que tout le monde agissait de la sorte. Et, joie suprême, demeurant dans le groupe facebook du bâtiment bien qu'étant de retour en France, j'ai pu assister il y a quelques semaines à l'habituelle engueulade de rentrée quant à la vaisselle laissée sale pendant les vacances ; joute à laquelle tous participent joyeusement - même la norvégienne que j'ai vu deux fois dans l'année et dont je n'ai jamais su le nom - avec pour contre-attaque favorite le rappel des antécédents de tout un chacun : n'ayant point été citée, j'ai ainsi l'honneur d'être officiellement passée sous le radar ! Ce dont il n'y a guère matière à s'enorgueillir, le colocataire ici en question étant aussi parvenu à se faire oublier... Ainsi s'achève l'affaire, désormais laissée à la postérité.

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Nous sommes heureux de décerner prix Goncourt de VDM à l'auteur!

honeybear 25

Oh Mon Dieu, tu me dédicaces ton premier livre ? Quel plaisir de lire du français sur VDM !!

Commentaires

on voit qui jette pas les poubelles

Bonjour à tous, je suis l'auteure de la VDM, c'est le moment des remerciements tout ça tout ça, je suis super émue, merci à mon metteur en scène... Et les voilà, les précisions, qui arrivent à la rescousse ! Je m'excuse par avance, je ne sais guère être concise ! Décor : Alors, pour éclaircir un peu les faits, ce n'était pas vraiment un appartement mais une forme de logement un peu spéciale. A l'époque des faits (il y a environ 6 mois de cela), j'étais en Erasmus en Norvège, et là-bas les résidences étudiantes habituelles sont assez différentes d'ici. En fait, ce sont de petites maisons d'un ou deux étages, composées d'en général quatre à huit chambres autour de pièces communes. En revanche, pas de continuité entre les bâtiments, ce qui impose de sortir dans la neige pour aller faire sa lessive ou... jeter les poubelles. Et j'admets qu'en pleine nuit polaire, c'est pas marrant, j'ai préféré faire ma lessive à la main pendant deux mois perso. Dans mon lotissement, les bâtiments comportaient six chambres, deux salles de bain et une cuisine. Une cuisine pour six donc, et à chacun sa semaine de sortir les poubelles. En outre, le tri sélectif c'est du sérieux là-bas, donc à part les devoirs dont on n'est pas fier, tout va dans sa poubelle attitrée dans la cuisine. Je ne pense pas que qui que ce soit ait gardé des déchets organiques dans sa chambre, ce qui est déjà une bénédiction. Prélude : Les faits, en vérité, comportent une certaine ironie. D'abord parce que ledit colocataire avait emménagé dans cette maison environ trois mois avant moi. Ensuite parce que moi-même, un mois après mon arrivée, me suis rendue compte que non seulement j'avais raté mon tour de sortir les poubelles (toute imprégnée que j'étais du planning de mon ancienne résidence), mais qu'en plus je n'avais pas la moindre idée de l'emplacement du local à poubelles. Il faut dire que c'était un truc un peu spécial, une sorte de tube près de la route traversant le lotissement, dans lequel on a l'impression de pouvoir verser des ordures à l'infini, et que personne ne vient jamais vider. Bref, une technologie exotique. Un mois après mon arrivée, donc, je n'avais pas encore répertorié la chose, mais je ne voulais surtout pas demander à mes colocataires, car alors ils s'apercevraient forcément que j'avais raté mon tour la semaine précédente ! J'ai donc attendu deux semaines, le début des vacances de Noël, que tout le monde, moi exceptée, rentre dans son pays, et c'est là que j'ai entrepris mon enquête. A ce stade, j'ignorais tout autant à quoi servait ladite clef, persuadée que le local à poubelles était un bâtiment en dur s'ouvrant grâce à la même carte magnétique que la laverie. J'ai donc passé une demi-heure à errer en pleine tempête de neige avant d'avoir la révélation. Ouf ! Mon honneur était sauf, ma dette payée, l'affaire ne parviendrait jamais aux oreilles de personne ! Les faits : Un mois passe alors, et le fameux colocataire revient pour le second semestre. Tout semble bien se passer, et le remplacement d'une colocataire créé même une distraction suffisante pour étouffer une crise au sujet de la vaisselle et bouleverser le planning : mon précédent manquement à mes obligations est ainsi définitivement noyé. Encore quelques semaines s'écoulent dans la plus parfaite nonchalance, même l'affaire de la vaisselle sale finit par se tasser, quand soudain, au détour d'une conversation parfaitement anodine, il lève le regard sur moi et, le trousseau à la main, me pose LA question. Me reviennent alors toute ma confusion, mon désarrois, ma terreur à l'idée que soit découverte ma terrible indignité... Mais lui, ça n'a pas l'air de le perturber le moins du monde d'apprendre ainsi la nouvelle après six mois à vivre là. Pas même l'ombre d'un rougissement sur ses joues laissées blanches par la nuit polaire. Juste un vague acquiescement qui laissait entrevoir l'intérêt parfaitement nul qu'il accordait à cette annonce jugée non pertinente. Conclusion : Au final, cela n'a guère fait que confirmer une impression que j'avais déjà depuis un moment : le planning n'était en fait qu'une vaste mascarade, qui avait commencé à s'affaiblir à peu près à l'époque de mon arrivée, et était pratiquement tombé en désuétude suite aux vacances de Noël. Si pendant six mois personne ne s'était aperçu que certains manquaient à leurs obligations, pourquoi craindre une quelconque réprobation ? Bien vite les sacs poubelles se mirent à s'entasser dans le couloir où on laissait les chaussures, et à former un joli petit muret décoratif qui balisait les escaliers. C'est ce qui m'avait été laissé sur les bras à Noël, ainsi que toute la vaisselle sale (n'en étant en rien responsable - c'étaient en vérité le même colocataire et celui qui était définitivement parti à Noël - je n'en avais lavé que la moitié avant de laisser le reste anonymement dans le lavabo, ce qui avait engendré la fameuse crise de la vaisselle), et le tout s'est reconstitué à une vitesse effrayante. Bon, dans l'ensemble, ce n'était pas trop horrible. Vu la température dans le couloir, les ordures devaient bien se conserver, je suppose, et de temps en temps l'un de nous trouvait le courage d'embarquer quatre ou cinq sacs (ils étaient minuscules, ndlr) avant d'aller courir après le bus. C'était pas joli à voir, mais au moins y'avait ni vermine ni odeurs. La vaisselle, en revanche, continua d'être source de conflits, dont je faisais en sorte de me tenir bien éloignée en cachant dans ma chambre les verres que j'avais la flemme de laver sur le coup - jusqu'à ce que, les réserves de toute la maisonnée s'épuisant, je décide de tous les restituer, le regrettant aussitôt en comprenant que tout le monde agissait de la sorte. Et, joie suprême, demeurant dans le groupe facebook du bâtiment bien qu'étant de retour en France, j'ai pu assister il y a quelques semaines à l'habituelle engueulade de rentrée quant à la vaisselle laissée sale pendant les vacances ; joute à laquelle tous participent joyeusement - même la norvégienne que j'ai vu deux fois dans l'année et dont je n'ai jamais su le nom - avec pour contre-attaque favorite le rappel des antécédents de tout un chacun : n'ayant point été citée, j'ai ainsi l'honneur d'être officiellement passée sous le radar ! Ce dont il n'y a guère matière à s'enorgueillir, le colocataire ici en question étant aussi parvenu à se faire oublier... Ainsi s'achève l'affaire, désormais laissée à la postérité.

Nous sommes heureux de décerner prix Goncourt de VDM à l'auteur!

whaou c'est un bouquin tout ça. Tu devais écrire un livre lol Merci pour les précisions.

honeybear 25

Oh Mon Dieu, tu me dédicaces ton premier livre ? Quel plaisir de lire du français sur VDM !!

Et dire que personne ne comprend quand je dis que je veux pas de colloc haha! En tout cas superbe précisions très bien rédigées et vraiment amusantes, merci! (Ya que l'auteur qui peut écrire des trucs comme ça sans se faire enterrer...)

Malgré la longueur, ton texte était très agréable à lire, c'est à souligner. Merci pour toutes les précisions, hé oui, c'est aussi ça la vie en coloc! #131 Il n'y a pas que des mauvais côtés, et heureusement! Mais je comprends que certains soient moyennement faits pour vivre en coloc (j'en ai un exemple dans mon appart!)

Pavé César! Ceux qui ont tout lu te saluent! Sinon histoire vraiment intéressante, très bien racontée... merci beaucoup! tu as éclairé ma soirée!

Excellente histoire et super bien rédigée ! c'est divertissant ^^ Tu as vraisemblablement quelques talents pour l'écriture ! Et sinon, c'était bien la Norvège?

C'est génial, tu réussis à rendre intéressant un lieu des plus communs : sortir des poubelles et faire la vaisselle en colocation. Merci, j'ai beaucoup ri et bien apprécié ce récit !

Alors toi, quand tu y vas tu ne fais pas semblant ! Le mieux est que l'on arrive presque à imaginer les scènes décrites ! :o Belle naration.

superbe reponse! la question que je me pose du coup en voyant ça, cest: comment as tu reussi a te restreindre pour ecrire ta VDM sans depasser le nombre de caractere max... ;)

c`est trop long j`ai pas tout lus désolé

Eh bien, ça c'est de la réponse, merci pour cette demie heure de lecture !

Eh beh, il doit beaucoup s'investir au quotidien :-(

J'ai vu les précisions apportées par l'auteure. Sans cela, il y avait aussi une autre possibilité, que la clef ne serve à rien pour accéder au local poubelles. Le colloc n'en aurait pas eu besoin pour descendre les poubelles. Dans mon immeuble, on a un local poubelle avec une serrure mais que personne ne ferme à clef . Il y a un an ou 2, on a eu une nouvelle locataire dans l'immeuble qui fermait systématiquement la porte à clef, ce qui obligeait donc à utiliser la clef pour y accéder après son passage et n'avait guère d'intérêt (le vol de poubelle est assez rare).

L'intérêt c'est que des SDF ne viennent pas : ou pour faire les poubelles (j'ai envie de dire, à la rigueur, ça, je m'en fous..) ou pour faire leurs besoins.. (par contre ça, c'est super incommodant et assez dégueulasse)

Monsieur Duçon, inventeur de la cédille, doit être très triste en lisant cette VDM.

Tout le monde ne sait pas mettre de cédilles au "c" majuscule.

D'ailleurs, on fait comment ? La flemme de chercher sur internet...

Il faut le savoir quand même... alt + 0199 ? Au moins j'aurai appris ça :)

tu va devenir eboueur à temps partiel j'ai l'impression.

Trop déçu personne à fait alusion à Rachel (friends). La communauté est telle si jeune. Pour ce qui ne connaissent pas, rachel et monica sont en coloc, et au bout de 2 ans, rachel ne savait toujours pas où se trouver le local poubelle. C'est monica qui a descendu les poubelles pendant 2 ans

On ne peut pas se souvenir de tout les épisodes !

Georgia47 31

Vous avez mal regardé. Cela dit, c'est bien au-dessus de la moyenne, félicitations à l'auteure.

Je ne vois pas ce qu'il y a de pas normal... Il a tout simplement du manger ses ordures...?